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14/04/2023
Drôle de film que cet "établi" qui raconte l'histoire d'un professeur de philosophie qui, par conviction, a lâché son poste à l'université pour se faire embaucher comme ouvrier dans une usine Renault. Quel était le but de la manœuvre ? Faire connaître les conditions de travail des ouvriers ? Les connaître soit même pour pouvoir ensuite en parler en connaissance de cause ? Faire changer, avec l'aide de ces derniers, les conditions de travail harassantes et contrer des patrons qui en demandent toujours plus ? "Raviver le feu révolutionnaire" comme indique le résumé ? Voici un programme aussi ambitieux que surprenant.

Les témoignages sur les conditions de travail de certaines catégories de travailleurs ne manquent pas : que ce soit les femmes de ménage, les pompiers, les policiers, les enseignants, ... j'ai toujours du mal avec ce genre qui, lorsqu'il concerne mon métier me fait dire qu'en faisant consciencieusement son travail de journaliste, le reportage aurait autant de valeur que ces tranches d'histoires marquées du sceau inattaquable : "tiré d'une histoire vraie" ou encore mieux "histoire vécue... une immersion de 6 mois dans ce milieu" comme si la personne était infiltrée dans le grand banditisme (et qu'en si peu de temps on puisse vraiment saisir la quintessence des problématiques de tel ou tel métier).

Le choix de cet homme est honnête et, au moins, on ne peut pas dire qu'il ne saura pas de quoi il parle quand il s'exprimera sur le sujet... mais quitte à mener une révolution, pourquoi ne pas briguer des mandats, faire de la politique dans le sens le plus noble du terme et faire bouger les choses au plus haut sommet de l'état / entreprise ? Pourquoi penser que ce sont les petits, qui ont déjà si peu, qui doivent se battre alors qu'ils sont de la chair à canon que l'on peut abattre si facilement ?

Le film montre le côté abrutissant du travail à la chaîne mais oublie de faire les parallèles avec les employés d'Amazon qui, dans les hangars aux tailles démesurées, suivent des instructions vocales toute la journée, remplaçant avantageusement les robots puisque, lorsqu'eux sont obsolètes, on peut les jeter sans penser recyclage et investissement... Le scénario montre bien qu'il est n'est pas facile de généraliser les citations des différents ouvriers puisque tous ont des motivations et des parcours différents. Dui coup, vouloir sauver "la classe ouvrière" est une hérésie et montre dès le départ une méconnaissance de ce qu'elle recouvre.

J'ai trouvé le film étriqué dans son propos alors qu'il était passionnant dans le thème abordé. Comment faire bouger les choses quand on voit que l'on est chanceux et que l'on a une vie très tranquille alors que d'autres doivent se battre pour survivre. Être bénévole dans une association, donner du temps pour aider, faire des dons, ... comment faire évoluer le monde qui nous entoure pour qu'il soit davantage en harmonie avec les valeurs que l'on a ? Comment sortir du classique "capitalistes contre communistes" et faire en sorte que le monde soit plus équilibré ? Comment faire en sorte que chacun trouve sa place et qu'il n'y ai pas que des mécaniciens ou des experts comptables - car pour tourner, il faut bien des personnes à de nombreux postes, plus ou moins prestigieux, plus ou moins difficiles, plus ou moins physiques, plus ou moins enviables...

Ce film lancera des discussion intéressantes mais, si je le regarde en tant qu'objet cinématographique, il a de nombreuses carences (et pour une fois Swann Arlaud ne m'a pas convaincu ce qui est presque un exploit). Heureusement je suis souvent plus sensible aux thématiques qu'à leur illustration ce qui permet à ce film de naviguer aux alentours de la moyenne mais lire le livre dont il est inspiré sera sûrement plus intéressant si vous avez un peu de temps devant vous ;-)
.O.